samedi 18 février 2012

Bordeaux : Château du Grand Moueys racheté par Jinshan Zhang

En Gironde, près d’une trentaine de châteaux ont déjà été acquis par des investisseurs chinois. Rencontre avec le dernier venu, Jinshan Zhang, propriétaire du Grand Mouëys.

Une vaste propriété viticole et un beau château avec de vraies pierres. Telle était la quête de Mr Zhang en terre bordelaise. Après six voyages en un an et une quarantaine d’exploitations visitées, conseillé par le bureau MK Finance à Shanghai, il a sorti son chéquier pour le château du Grand Mouëys, à Capian, à 30 km à l’est de Bordeaux.
Une allée majestueuse bordée d’arbres, un paysage vallonné type Toscane, et une arrivée devant la superbe bâtisse. Le vignoble alentour, et au loin des bois ceinturant une propriété de 170 hectares, dont 59 de vignes. Nous sommes dans le vaste territoire de l’Entre-deux-Mers (entre Dordogne et Garonne), en AOC Côtes de Bordeaux. Être ici chez soi et se sentir châtelain ne font qu’un. 

« J’ai aimé cette propriété, pour laquelle j’ai de grandes ambitions. » À 48 ans, Jinshan Zhang, qui ne parle ni anglais ni français, fait sa première acquisition hors de Chine. Pendu à son téléphone portable, il est le propriétaire du groupe Ningxiahong, dans la province du Ningxia, au centre du pays. Fondée en 1996, l’entreprise emploie 1 200 personnes avec les spiritueux pour principale activité, en particulier le Gouqi, alcool de fruit en vogue. Sans oublier l’immobilier, une agence de voyages… 

Avec l’appui d’un technicien reconnu dans le Bordelais et d’une collaboratrice chinoise parlant le français, l’homme a les idées claires. D’abord, investir dans l’outil de travail car il s’agit de produire du bon vin sur une exploitation ayant besoin d’être relancée. À 72 ans, le vendeur, Mickaël Bömers, ex-négociant en vin à Brême (Allemagne), passe la main, faute d’enfants intéressés pour poursuivre une aventure commencée en 1989. 

Le Grand Mouëys, vin peu connu en France (environ 9 euros la bouteille), est surtout exporté outre-Rhin. « Les négociations furent dures et longues, car les Chinois sont coriaces en affaires » note un intermédiaire ayant participé à cette vente dont le prix n’a pas été révélé. Sont notamment intervenus le cabinet girondin Maxwell Storrie Baynes, MK Finance (Shanghai) et la Safer, cette dernière ayant expertisé le domaine (conformité aux normes de l’AOC, état des chais et des matériels, etc.), ce qui apporte des garanties fiables à la transaction. 

« Je pense que 90 % de la production du château sera vendue en Chine, où la consommation de vin est en plein boom. J’ai déjà des réservations. Nous utiliserons le réseau de distribution en place pour nos alcools. Nous allons aussi créer une société de négoce pour acheter davantage de bouteilles en Gironde et les exporter chez nous », explique cet amateur de grands crus, qui a une belle cave à domicile, où trône un Lafite Rothschild 1928, château déifié en Chine. Mais celui qui projette de venir désormais quatre fois par an en Gironde lorgne aussi vers l’œnotourisme. Et les plans sont prêts : chambres existantes à embellir (une dizaine), vaste salle de réception, spa avec vue sur les vignes, terrasse géante, restaurant, golf, tennis… « Avec notre agence de voyages, nous amènerons 10 000 touristes chinois par an. » 

En homme d’affaires venant d’un pays 25 fois plus peuplé que la France, il fait valser les chiffres. « J’ai planté 100 hectares de vigne dans notre province en 1998 et je compte apprendre ici pour produire là-bas, où 700 hectares supplémentaires doivent être plantés cette année. » 

Mr Zhang est loin d’être un cas isolé en Gironde. Avec une accélération du mouvement ces dernières semaines, des investisseurs chinois, plus ou moins discrètement, sont déjà à la tête d’une trentaine de châteaux. Et bien d’autres vont suivre. Sachant que le Bordelais compte plus de 7 000 exploitations, les raisons de cet afflux historique sont connues : la Chine achète beaucoup de vin, en boire est tendance, et le Bordelais, avec ses crus classés en locomotive, est la référence absolue de la qualité. Aucun autre vignoble français ne connaît ces achats, ce qui n’est pas le cas de l’Australie (deuxième fournisseur en vin de la Chine), où une petite dizaine de vignobles ont déjà été acquis dans la région de Sydney. Un petit mouvement apparaît aussi en Californie. 

« Être propriétaire à Bordeaux, avec une belle bâtisse, et malgré le choc des cultures, est pour eux équivalent à l’achat d’un bout de la tour Eiffel. Les Chinois sont des commerçants et le vin offre à ce jour de belles opportunités », analyse un agent immobilier, rompu à leurs visites dans les châteaux. 

Et Mr Zhang compte bien en acheter d’autres en Gironde… 

source : sudouest.fr