Parce que les jeunes se détournent du vin, le numéro deux mondial des vins et spiritueux se défait d’un important portefeuille de domaines internationaux. Mais il garde ses plus belles marques et croit toujours au rosé.
Mais que fait Pernod Ricard dans le vin ? Le groupe doit-il monter en gamme ou en sortir, « up or out » (plus haut ou dehors) selon l’expression de son dirigeant, Alexandre Ricard ?
La question a été tranchée, annoncée cet été puis lors de l’assemblée générale du 8 novembre dernier. Le Français se désengagera d’ici à 2025 d’un immense portefeuille de marques mondiales qu’il cède à un consortium de financiers spécialisés dans… le redressement d’entreprises en difficulté ! « Les jeunes délaissent un peu le vin », a sobrement justifié Alexandre Ricard qui conserve une dizaine de vignobles d’exception, partout dans le monde, et poursuit son offensive dans le rosé.
Les vins cédés par Pernod Ricard pèsent un total de dix millions de caisses. Dans leurs pays respectifs, ils représentent des marques souvent numéro un des ventes, localement ou à l’export. Le portefeuille comporte Jacob’s Creek, Orlando et St Hugo en Australie, Stoneleigh, Brancott Estate et Church Road en Nouvelle-Zélande mais aussi les poids lourds ou pépites espagnoles Campo Viejo, Ysios, Azpilicueta (Rioja) et Tarsus (Ribera del Duero).
La filiale espagnole de Pernod Ricard représentait ainsi le principal opérateur de vin de l’appellation Rioja, avec plus de 30 millions de bouteilles vendues par an, soit 10 % du marché. Campo Viejo est même l’une des toutes premières caves d’Europe en termes de capacité de vieillissement. L’ensemble des bodegas du Français avaient fait l’objet d’investissements et de projets architecturaux d’envergure, comme avec la star espagnole Santiago Calatrava chez Ysios.
Dans la Rioja, le profil du nouveau propriétaire n’est pas sans susciter certaines inquiétudes. L’acquéreur est un consortium d’investisseurs internationaux, Australian Wine HoldCo Limited (AWL), créé pour reprendre Accolade Wines basé en Australie. Repris en 2018 par un fonds d’investissement, Accolade Wines s’est retrouvé en grandes difficultés financières suite à l’entrée en vigueur, en 2021, de taxes imposées par la Chine aux vins australiens. La mesure avait entraîné une fermeture quasi totale du marché chinois à la production australienne.
AWL a commencé par recapitaliser l’entreprise et n’a pas tardé à entamer la renégociation des contrats d’approvisionnement avec des producteurs de raisins australiens. « Certains contrats historiques font partie des facteurs économiques qui pèsent sur le groupe », ont justifié les dirigeants de AWL.
Pernod Ricard a choisi de garder les plus beaux fleurons d’une activité vin qui représentaient moins de 4 % de ses ventes totales, 11,9 milliards d’euros en 2023. Ainsi, reste sous pavillon français la bodega Etchart, dont les 300 hectares de vignes cultivées à 1 750 mètres d’altitude dans le nord de l’Argentine sont parmi les plus hautes du monde. Fondée en 1850, elle a été acquise par Arnaldo Etchart en 1938, qui s’est associé puis a vendu à Pernod Ricard.
En Chine, le Français conserve une participation prise en 2012 dans Helan Mountain, dans la province de Ningxia, marque sous laquelle il produit des cabernet-sauvignon et chardonnays. En Californie, le domaine Kenwood et son vignoble de Sonoma, acquis par le groupe en 2014, va aussi rester français.
Et en France ? Depuis deux ans, Pernod Ricard mène une véritable offensive en Provence. À partir du château Sainte Marguerite, acquis en mars 2022, le géant des spiritueux est en train de bâtir un petit empire dans le rosé. Le domaine de La Londe-les-Maures, dans le Var, va doubler de surface grâce à l’acquisition au printemps des 280 hectares de vignes d’un domaine de l’AOC Côtes-de-Provence, Terres de Ravel.
Le château Sainte Marguerite s’étend aujourd’hui sur plus de 500 hectares avec, en ligne de mire, le développement de cuvées super premium et ultra premium. Preuve que le groupe coté n’a aucun doute sur l’avenir des rosés assortis d’une montée en gamme : il comptabilise désormais ses ventes de rosé dans son pôle Champagne, avec Perrier-Jouët et G.H. Mumm.
Source : RVF / Vitisphère